Retraites : le système reste illisible, injuste et ingouvernable

Retraites : le système reste illisible, injuste et ingouvernable

Une spécialité française : transformer en source de dépenses supplémentaires les réformes censées être destinées à réaliser des économies...Notre système est à la fois illisible, injuste et ingouvernable. Des experts de gauche eux-mêmes s'intéressent à la réforme suédoise de régime unique à cotisations définies.

La loi retraites de 2003 a coûté cher au régime général : sans elle, la branche vieillesse aurait été à l'équilibre deux années de plus (2005 et 2006), et son déficit 2007 aurait été inférieur de 2 milliards d'euros. Elle va encore engendrer des dépenses supplémentaires, au fur et à mesure de la diminution de la décote, ramenée par étapes de 2,5 à 1,25 % par trimestre manquant. La principale source d'économie prévue est l'allongement de la durée de cotisation requise pour avoir droit au taux plein : or les syndicats réclament, soit d'y renoncer définitivement, soit de le retarder jusqu'à ce que l'emploi des seniors se soit fortement amélioré.

La Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse, pour faire bonne mesure, propose des améliorations de prestations qui coûteraient chaque année entre 3,3 et 4,1 milliards(1) : allonger la période de validation du chômage non indemnisé (0,2 Md€) ; et surtout rendre plus favorables aux assurés sociaux certaines règles de détermination du salaire annuel moyen qui sert de base au calcul de la pension (coût : de 3,1 à 3,9 Md€ selon les modifications apportées). Le finan cement proviendrait principalement de versements effectués par d'autres organismes de protection sociale, autrement dit d'un jeu de vases communicants qui ne ferait que déplacer le problème, et pour 0,9 Md€ de recettes supplémentaires, obtenues en supprimant certaines exonérations de charges sociales.

Quant à la réforme des régimes spéciaux, elle semble ne devoir engendrer aucune économie, voire même se traduire par un alourdissement des coûts de personnel pour les sociétés concernées : Gaz de France prévoit 40 M€ de plus, et EDF 200 à 250 M€(2).

Des négociations qui se concluent sur de nouvelles complications 

Cette panne de la réforme a été repérée à Bruxelles : les annexes du « Rapport conjoint 2008 protection sociale et inclusion sociale »(3) donnent, à l'horizon 2050, le système de retraites français plus en difficulté que les régimes allemands et italiens, malgré la situation démographique catastrophique de nos deux voisins.

D'où vient la propension française à transformer en source de dépenses
supplémentaires les réformes initialement destinées à réaliser des économies ? Notre système de retraites comportant beaucoup d'injustices, chaque négociation est l'occasion pour les syndicats de réclamer d'en supprimer quelques-unes en dépensant plus. Piètres négociateurs, les pouvoirs publics s'en tirent au mieux en dégageant des économies égales aux dépenses nouvelles. La seule réforme qui ait réellement amélioré la situation financière est celle de 1993, réalisée sans concertation.

Alors, que faire ? Thomas Piketty, économiste proche du PS, est parvenu quasiment aux mêmes conclusions que des libéraux(4) : il a récemment expliqué (5) que, le système étant illisible, injuste et ingouvernable, il fallait en changer radicalement, remplacer notre fatras de régimes par un régime unique à cotisations définies(6) inspiré de la réforme suédoise de 1998. Cette convergence d'analyses et de préconisations ne serait-elle pas un signe ?

Jacques Bichot

(1)Liaisons sociales du 15 avril 2008
(2)Liaisons sociales du 29 février 2008
(3)Disponible sur Internet : ec.europa.eu/employment-social/spsi/joint_reports
(4) A. Madelin et J. Bichot, Quand les autruches prendront leur retraites, Le Seuil, 2003 ; J.

Bichot, Urgence retraites : petit traité de réanimation, Le Seuil, 2008
(5) A. Bozio et T. Piketty, « Pour une refonte générale de nos régimes de retraites », Le Monde,

12 avril 2008. Un article beaucoup plus détaillé est disponible sur le site de T. Piketty
(6) Formule selon laquelle on ne répartit que ce qui entre dans les caisses, sans possibilité d'augmenter les taux de cotisation.


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