Editorial
Depuis trente ans, la France pratique le demi-tour en politique. Le débat public se nourrit des illusions court-termistes de la société du spectacle. Est-ce la peur d’avoir à affronter les conséquences politiques et sociétales de la révolution des sciences et des techniques ? L’absence de prise en compte de mutations pourtant prévisibles a entraîné la France sur la voie du déclin. Les matériaux qui aident à construire l’avenir sont pourtant accessibles dès aujourd’hui.
Depuis 30 ans, la France a perdu beaucoup d'argent, et encore plus de temps pour arrêter l’hémorragie. Rien ne la prédisposait à ce type d’accident. Elle avait su construire les Trente Glorieuses d’un exceptionnel progrès économique et social, grâce à ses scientifiques, ses entrepreneurs et ses techniciens. Pourquoi a-t-elle accumulé les échecs qui la conduisent vers le déclin économique et social sanctionné par la perte de confiance dont elle fait l’objet ? Parce qu’elle a succombé aux illusions de la société du spectacle qui a envahi les sphères politiques et économiques avec ses rêves.
Les cauchemars qui en résultent tiennent à un choix, incompatible avec la complexité moderne. Les décideurs qui ne veulent pas plus « désespérer Billancourt » que J.P.Sartre, jadis, imposent leur souhaitable – le virtuel de l’instant –, au réel du lendemain – le probable. En 1981, 1996, 2008, les pouvoirs récents ont fait demi-tour, face à des mutations prévisibles, comportementales et/ou technologiques qu’ils n’ont pas pu, su, ou voulu prendre en compte. Puis ils ont repris le mauvais cap.
Cette situation tient à la disparition de la culture générale qui doit inspirer l’action du politique et la négation de son utilité par la culture techno qui domine l’Etat. Cette double faiblesse ne permet plus d’établir l'équilibre entre le probable et l’improbable, le risque et la responsabilité, dans la gestion de l’intérêt général. Elle conduit à faire des lois pour bloquer l’avenir des jeunes, pour les empêcher de remplacer le passé des vieux.
Elle pousse les décideurs à fabriquer de fausses forces majeures qui les exonéreront de leurs échecs. Ils retiennent pour improbable ce qui est la partie du probable qu’ils rejettent pour ne pas contrarier le souhaitable qu’ils savent irréalisable. La fameuse promesse qui n’engage que celui qui l’écoute. Cette stratégie du mensonge par omission annihile le sens des risques à prendre, des responsabilités à assumer. Ces fausses protections, associées à la sacro- sainte précaution, désagrègent la société qui en est victime.
Exemples :
- 2002, l’euro est mis en place, pour l'éternité, sans voir les risques qu’il a de subir, à bref délai de 10 ans, la contagion d’un virus déjà connu frappant les finances anglo-saxonnes et qui en a fait le malade de 2012, sur lequel le monde entier est penché.
- 2007, la France choisit une politique de croissance par la dette, sans voir le risque du surendettement qui frappe à la porte de Bercy, et qui, une fois réalisé, cinq ans plus tard, aggrave la situation française et européenne.
- 2011, La France pré-choisit son président 2012, sans voir le risque, connu, de son élimination immédiate, transformée par les médias spectacles en fausse compassion.
Ces avatars sont le produit de l’absence systématique de prise en compte des mutations technologiques et comportementales, des sociétés, absentes des calculs des décideurs et des conseillers qui gèrent notre argent et notre temps, parce qu’elles perturbent le spectacle.
Entre Richelieu, « l’art du politique est de rendre possible ce qui est souhaitable », Louis XV, « après moi le déluge », et H. Queuille, « le rôle d’un politique n’est pas de résoudre les problèmes, il est de faire taire ceux qui les posent », la France a plusieurs choix pour gérer son temps et son argent. Pour trouver le bon, elle devra s’intéresser aux mutations réelles qu’elle subira plutôt qu’aux projets virtuels qu’elle oubliera.
Les Editions PREMICES, et leurs auteurs, se consacrent à ces recherches.
par Michel Rouger